Fatima Ouassak : ‘Pour revitaliser une écologie politique en berne, il est temps de lui redonner de l’élan
Fatima Ouassak est une voix incontournable de l’écologie politique actuelle, invitant à repenser notre rapport à la nature et aux luttes sociales. Dans un contexte d’urgence climatique, son analyse et ses propositions s’ancrent dans les réalités des quartiers populaires, souvent laissés pour compte dans les discours écologistes traditionnels. Pour elle, servir l’écologie ne peut se faire sans prendre en compte des luttes plus larges, incluant les thématiques de l’antiracisme et des droits sociaux. Loin des simples gestes symboliques, elle appelle à une véritable révolution verte où chaque citoyen devient un acteur fondamental de la transition énergétique.
Les racines de l’engagement de Fatima Ouassak
Fatima Ouassak, née le 5 avril 1976 dans le Rif marocain, arrive en France à l’âge d’un an. Cette arrivée s’inscrit dans un parcours d’immigration qui façonne son identité et son engagement. Grandissant dans les quartiers populaires de Lille, elle fait face à une réalité marquée par le béton et les inégalités sociales. Son père, ouvrier métallurgiste et syndicaliste, lui transmet un héritage de lutte et de solidarité.
Son expérience à Sciences Po Lille, où elle rencontre le racisme ordinaire, catalyse sa politisation. Lorsqu’elle évoque ses années d’études, Fatima se souvient des moqueries d’un professeur sur le ramadan, révélant une réalité bien plus sombre que celle d’une émancipation pleine de promesses. Ce choc culturel, combiné à son histoire familiale, la pousse à s’engager encore plus. En 2016, elle co-fonde le Front de mères, le premier syndicat de parents d’élèves des quartiers populaires, une initiative visant à donner une voix à ceux qui sont souvent réduits au silence.
Cette première action s’inscrit dans une logique d’écologie solidaire, où la prise de conscience des droits sociaux se mêle à la protection de la planète. Fatima Ouassak soulève des questions cruciales sur le racisme institutionnel et sur la manière dont l’écologie peut être désincarnée des réalités vécues par ces populations. Son combat trouve écho notamment dans les luttes anticoloniales, ce qu’elle illustre par son ouvrage collectif intitulé “Terres et liberté : manifeste antiraciste pour une écologie de la libération”.

Le parcours de vie comme moteur de réflexion
Le cheminement de Fatima Ouassak illustre la nécessité d’une approche globale, intégrant les luttes féministes, antiracistes et écologistes. Pour elle, l’écologie ne peut se réduire à des pratiques individuelles mais doit inclure des solutions systémiques qui se confrontent à l’industrie agroalimentaire et à un modèle de développement insoutenable.
- Éveil de la conscience politique dans un contexte de discrimination
- Création du Front de mères comme acte de résistance
- Intégration des luttes sociales et écologiques dans un même combat
La notion d’“écologie pirate” qu’elle défend est une invitation à s’engager contre un système qui exclut et marginalise. Pour ouvrir le débat sur la place des minorités dans les discussions écologistes, elle rappelle que la lutte pour la liberté de circulation entre le Nord et le Sud est cruciale pour une planète durable.
Une écologie populaire d’amour et de résistance
Dans l’univers de Fatima Ouassak, l’écologie populaire s’enracine profondément dans des valeurs familiales et d’amitié. En tant que mère, son engagement envers la terre est directement lié à son amour pour ses enfants. Ce nouveau regard sur l’écologie remet en question les approches traditionnelles qui privilégient l’individu sur le collectif. Pour elle, le véritable défi est d’impliquer les communautés dans les solutions écologiques, et non de plaquer des solutions toutes faites.
Avec l’ouverture de Verdragon, la première maison de l’écologie populaire à Bagnolet, elle offre un espace d’échange, d’éducation et d’action concrète. Y sont abordés des sujets portant sur l’alimentation, l’autodéfense féministe et la lutte contre le racisme. Verdragon est à la fois un lieu de ressourcement et de mobilisation, où l’éducation rime avec action. Il représente les fondements d’une transition énergétique qui prône la justice sociale et environnementale.
Repenser l’avenir avec les alternatives écologiques
Fatima Ouassak convie chacun à envisager des alternatives écologiques qui rompent avec le modèle dominant. Cela implique de repenser non seulement nos habitudes de consommation, mais aussi notre rapport aux collectivités et à l’espace public :
- Promotion de l’agriculture locale et durable
- Favoriser les circuits courts et l’économie sociale et solidaire
- Développer des projets participatifs associant toutes les parties prenantes
Ce changement de paradigme participe à la constitution d’un nouvel imaginaire autour de la bioinnovation, où l’implication de chacun est essentielle pour garantir un avenir souhaitable. Les contributions de mouvements comme ça peuvent mener à une circulation de pratiques inspirantes, à l’instar des luttes des peuples originaires luttant pour leurs droits et leur terre.
Lutter contre le racisme pour une écologie de libération
Fatima Ouassak met en lumière le lien intrinsèque entre les questions raciales et l’écologie. En proposant une écologie de la libération, elle appelle à un repositionnement des stratégies écologistes qui prennent en compte les expériences vécues des populations racisées. Cette approche novatrice transcende les simples luttes environnementales pour inclure des enjeux de justice sociale, de genre et de classe.
Les luttes anticoloniales, parfois perçues comme éloignées des préoccupations écologistes, sont au contraire centrales dans le discours de Fatima. Vivre dans des quartiers populaires, c’est souvent faire face à des enjeux environnementaux exacerbés, des nuisances industrielles, des infrastructures non adaptées, et un accès difficile à un environnement sain. Cela souligne l’importance d’intégrer un volet décolonial dans toute réflexion sur l’écologie.
Reconnaître et définir les enjeux de l’écologie décoloniale
Au cœur des réflexions de Fatima, la question coloniale apparaît comme un angle mort pour de nombreux mouvements écologistes, qu’ils soient institutionnels ou associatifs. Elle souligne l’importance d’aligner les luttes écologiques avec celles pour les droits humains :
- Visibiliser la souffrance des populations malgré les discours dominants
- Inclure des narratives diversifiées dans le cadre des initiatives écologiques
- Développer une solidarité intercommunautaire en faveur d’actions concrètes
Ce recadrage se veut un appel à l’action, encourageant les éco-acteurs à se pencher sur les interconnexions entre l’écologie, le racisme et la lutte pour les droits des êtres humains. La notion de solidarité internationale est aussi essentielle, car c’est ensemble que se construisent des lendemains qui chantent pour les générations futures.

Réinventer le débat pour une écologie inclusive
Face aux crises environnementales et sociales que nous subissons, Fatima Ouassak critique les stériles débats qui perfusent les luttes modernes. Pour elle, il est crucial de renouer avec des discussions plus profondes, même si cela implique de susciter des controverses. Le cadre politique est marqué par une polarisation, où la gauche et l’écologie doivent faire face à une droite qui, tout en maintenant son discours, s’infiltre dans les préoccupations sociétales.
Elle dénonce une gauche qui crie au danger d’une division, et qui préfère masquer ses désaccords au lieu de favoriser un débat sain et authentique. Pour Fatima, la capacité à débattre de ses différences au sein de l’écologie politique est primordiale afin de faire émerger des solutions qui s’appliquent à toutes les couches de la société.
Construire des ponts entre les luttes
Elle préconise de retrouver ce sentiment de communauté tout en plaidant pour une écologie qui ne se limite pas à des actions isolées. La construction de ponts entre les différentes luttes est un impératif, car chaque communauté détient une partie de la solution :
- Rassembler les savoirs de chaque communauté
- Créer des projets interculturels et intergénérationnels
- Favoriser des espaces de discussions ouverts aux tiraillements des réalités vécues
Engager ce type de dialogues permettrait de surmonter les malentendus qui peuvent exister au sein des luttes, tout en encourageant une écologie responsable qui embrasse la diversité et le pluralisme.
Une vision d’avenir pour les territoires populaires
L’engagement de Fatima Ouassak résonne particulièrement dans les espaces urbains où les défis sont multiples. La revitalisation des quartiers populaires, enjeu fondamental pour toute politique de transition écologique, doit impérativement passer par l’égalité d’accès aux ressources, à une agriculture urbaine dynamique et à la protection de l’environnement. Avec l’ouverture du Front de mères et de Verdragon, elle fait un appel à une écologie responsable qui inclut tous les acteurs, notamment ceux des territoires urbanisés.
Ce cheminement, qui puise dans son expérience personnelle et collective, place l’individu en tant qu’acteur du changement. Il s’agit de ne pas laisser les stéréotypes et les préjugés sur les quartiers populaires définir ces territoires et leurs habitants. Fatima Ouassak propose ainsi un espace de réflexion et d’action partagé pour un sustainable future en phase avec les enjeux contemporains.
Perspectives et actions concrètes à l’horizon
Pour concrétiser cette vision, plusieurs axes d’action se dessinent :
- Établir des coopératives locales qui encouragent l’auto-organisation
- Développer des initiatives éducatives pour sensibiliser les jeunes
- Créer des partenariats entre associations pour favoriser l’échange de savoirs et de ressources
Ces actions, bien que potentielles, nécessitent l’engagement de chacun au quotidien. À travers ses initiatives, Fatima Ouassak montre que chaque pas vers une planète durable commence par des choix individuels, mais aussi collectifs.